Pour le dixième billet du blog, vous avez droit à un double billet puisque je publie aussi celui de mon ami l'artiste B., qui s'est proposé spontanément, et à qui j'ai accepté d'ouvrir la tribune. C'est son billet qui ouvre, le mien est plus bas.
Tarantinostalgique,
C’est quoi ce délire de toujours penser à ses exs et pourquoi sommes nous toujours marqués au fer rouge par notre premier amour ?
Pour s’attaquer au monstre sacré, on va y aller petit à petit ... mais à la pince monseigneur. Reprenons depuis le début, avec toute cette neige on aurait presque envie d’aller skier si seulement on n avait pas été traumat par la bande son. Géniale tout du long d’ailleurs. La typo et les chapitres nous rassurent d’entrée, on est bien chez Quentin, ca sent la pulp fiction. Comme quoi, on est toujours marqué par ses ex mythologiques. Toutes ses ex mythologiques.
Parce qu’après la balade en montagne durant laquelle on croise des copains pas nets, au milieu de nulle part, on se retrouve - not like a virgin, parce qu’on a vu son autre ex, Reservoir Dogs- dans le décor principal.
Une fois de plus, le vampire à la grosse tête de from dusk till dawn, suit la règle des trois unités de la tragédie classique. L’action principale, sinon shooter tout ce qui bouge et éviter l’hypothermie, tourne autour de cette mystérieuse et seule femme. Elle a des airs de Janis Joplin et une résistance aux manchettes digne de David Douillet. Les trois heures de film, qui se font sentir par moments, entre autres parce que Walton Goggins parle à la vitesse d’un nonagénaire avec les capacités cérébrales d’un enfant de 9 ans, collent aux événements de l’histoire de façon racinienne. On a l’impression de vivre chaque seconde en live. Et bien entendu, tout se passe au même endroit, un chalet de haute montagne plein de peaux de bêtes, tout en bois, avec un feu de cheminée en continue, tout ce qu’il y a de plus rustique.
Je pourrais détailler chacun des personnages à commencer par le travail de costume ahurissant. Mais pour ca il faudrait que je sois, comme eux, sous stéroïdes. On va quand même parler de ce cher Samuel/Marquis, qui s’impose comme chef d’orchestre dans une partition en me majeur. Détonnant, il participe activement à la diffusion des complexes du réalisateur.
À croire que Tarantino a de gros soucis avec son chibre et ce, si on se fie à Sigmund, a cause de son père. La preuve, il prend un vieux nazi et le pousse au duel en lui racontant des saletés sur comment son fils a bouffé le « Johnson » du renoi. Malin le Jackson, qui fait ca pour implorer la légitime défense style lucky luke vs casimir et en finir légalement avec un ennemi juré.
Comme d’hab, voire un peu plus que d’hab, il fait éclater des têtes et des couilles à tirelarigot, ca gicle de partout. Tellement qu’on se demande s’il n’a pas collaboré avec l’artiste américain Paul McCarthy. Ca sent le ketchup, à tel point que mon nez s’est mis à pisser le sang.
Bref, parce qu’on a couché avec toute ses exs, on sait dès le départ que tout le monde va crever. De toute façon, une bande de barjs, au milieu de la foret, bloqués par la neige, avec autant d’oseille en jeu.. ca ne peut que mal tourner. On attend juste le début des hostilités.
Facile à la détente et incapable de se détendre, comment voulez vous qu’ils passent plus de deux heures, tranquilles, dans le même endroit ? C’est comme si Trump se trouvait bloqué avec quatre mexicains, menotté à son ex femme, son chauffeur sur le dos, le chef Wiggum et Batman dans la même pièce.
En conclusion, on sent l’angoisse comme chez les rescapés de l’holocauste, du début à la fin. On sait qu’ils ne se disent pas tout, mais bon trois heures c’est long. On reconnaît volontiers la précision du casting parce qu’entre autre, on avait envie de voir la tête de sexy dance 8 éclater en mode bombe à eau. Et, tout ca mis à part, on aime Tarantino mais surtout lorsqu’il innove.
B.
Si l'on m'avait dit qu'un jour Tarantino deviendrait aussi pénible et rébarbatif qu'un essai d'Emmanuel Todd... - j'ai lu "Qui est Charlie ? Sociologie d'une crise religieuse"... archétype de l'oeuvre de gauche moderne plébiscitée mais à côté de la plaque - ... bah je n'y aurais pas cru, les enfants.
J'ai déjà parlé des critiques et de leur fantaisie sans limites dans certains billets précédents.
Sincèrement, ils sont inépuisables. Il n'y a donc pas de raison pour que je m'arrête. "Ses jeux de langage organisent l'irruption des images". "Télérama". Véridique.
Sincèrement, quand on en est là, je ne sais même plus quoi leur conseiller... Si encore ils fumaient du crack...
On pourrait leur suggérer d'arrêter, par exemple.
Mais là, non. C'est du larbin fini au Earl Grey, tout ça.
"D’une torpeur et d’une sorte de placidité analytique". Les inénarrables "Inrocks", jamais à court d'une bonne élucubration bien capillotractée, sortie de l'imaginaire bouffon et délirant de l'un de ses écrivaillons.
Sont cinglés les types. Savent même plus ce qu'ils racontent.
Ca les emm.... tellement, au fond, de s'être simplement marrés devant une série B où des cow-boys se tirent dans les parties génitales qu'ils sont obligés de faire dire à Tarantino ce qu'il ne dit pas (procédé sournois bien connu des professeurs de français).
Mais nan, navré, ce n'est pas une relecture de Lorenzaccio de Musset. Ce n'est pas non plus une plongée cinématographique inavouée dans l'oeuvre de Vermeer. Non.
Comme dirait Freud, "sometimes, a cigar is just a cigar". Autrement dit : arrêtez de chercher midi à quatorze heures, comme certains les symboles phalliques surgis de subconscients encombrés.
En l'occurence, donc, c'est juste une histoire de magot et de psychopathes qui s'entretuent dans la neige. Pas la peine d'organiser à peu de frais la rédemption intellectuelle d'un auteur à qui l'on peut certes faire nombre de procès mais qui n'a jamais nourri le complexe dit de Godard : filmer Belmondo tout habillé dans une baignoire vide en train de fumer et de lire Spinoza... comble indépassable du refoulement honteux intello.
Le film.
Tarantino dit s'être puissamment inspiré de l'un de ses films de chevet, The Thing, de Carpenter. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'hormis la neige et le côté série B, on ne voit pas bien le trait d'union entre les deux. Pas vraiment de figure monstrueuse, pas non plus de tension paranormale par moments. Rien de tout ça dans The Hateful Eight.
Où donc s'est envolée l'inventivité débridée de Pulp Fiction ? L'élégance et le sens du récit de Jackie Brown ? La sensibilité et la fureur des 2 volumes de Kill Bill ? L'extraordinaire génie de la mise en scène, et la fluidité visuelle de Death Proof ?
On commence à s'impatienter. Inglorious Basterds finissait par être drôle tellement il était gênant de nullité, Django hilarant d'imbécilité.
Là on ne rit même pas.
C'est mou. C'est long. C'est bavard.
Ca se croit profond parce que ça filme au ralenti.
Tarantino était tellement riche à une certaine période qu'il aurait rendu passionnant un court-métrage à propos d'un tapis de douche.
Mais pour qu'une bataille de ping-pong (verbal) devienne épique, il faut Jean-Philippe Gatien d'un côté, et... disons n'importe quel champion chinois des années 90 de l'autre.
Le problème de Tarantino c'est qu'il ne sait plus composer des castings.
Dans Inglorious Basterds, l'odieuse Mélanie Laurent ainsi que ce fameux français noir, le projectionniste du cinéma qui servirait de piège se refermant sur Goebbels et les nazis... véritable cauchemar de cinéphile.
Dans Django, le non-charisme absolu d'un rôle qui en demandait énormément, avait échu au très dispensable et trop consensuel Jamie Foxx. Le même qui, comprenant qu'il n'était pas Michael K. Williams, se sentait obligé de surjouer tout le long du film, comme pour invoquer ce supplément d'âme qu'il ne possèdera vraiment jamais.
Dernier méfait en date, le recrutement aberrant de l'ahuri Walton Goggins, sorte de John Wayne du (très) pauvre. On ne sait pas vraiment si c'est sa diction qui est fautive. Ou si son regard vide cadre mal avec la spiritualité supposée de certaines de ses répliques.
Toujours est-il que c'est l'un des plus beaux désastres qu'il m'ait été donné d'admirer. Le regard d'un chevreuil bourré, la vivacité gestuelle d'un grabataire abattu, et l'élocution pataude d'un Samuel Le Bihan des plus beaux jours.
Malheureusement le reste du casting est à l'avenant.
Samuel L. Jackson est en terrain connu et ne se foule pas vraiment. Vu et archi-revu dans son répertoire personnel.
Tim Roth n'a pas l'air concerné par le cours des événements. Sûrement un cachet pour une toiture à refaire dans sa résidence secondaire.
Et que dire de Michael Madsen ? Autrefois brillant quoiqu'un peu monocorde, il a décidé de composer un hommage aussi réussi qu'inattendu à Renaud. L'oeil torve, la silhouette empâtée, ce bon vieux Mike a l'air tout droit sorti d'une dépression de neuf ans en Picardie. Vraiment pas beau à voir.
Et dire que le meilleur comédien à disposition n'apparaît qu'à 40 minutes du terme...
Pauvre Channing Tatum, le seul dont l'oeil alerte aurait mérité un usage adéquat. Athlétique ET intelligent, capable de comprendre le langage des auteurs (Soderbergh, Miller...) comme de jouer pour des machines à fric, subtil OU cabotin, il est un défi posé aux esprits étroits. Un animal capable de penser. Difficile à appréhender pour beaucoup.
Alors, si vous n'êtes pas rebutés par les litres d'hémoglobine ou plus simplement par la bêtise (les dialogues sont consternants de vulgarité), allez-y. Sinon, passez votre chemin et laissez de côté ce film paresseux et irritant.
Valmorg de Barbarie (créateur / auteur du blog)