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Sentencieux avocat de la beauté
29 février 2016

The Revenant. Man in the Wilderness.

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On allait voir ce qu'on allait voir. Une révolution. Un coup de tonnerre, ou d'éclat, dans le ciel bas du cinéma d'auteur américain. Du sang, des larmes, des orteils congelés, de la sueur. Un survival de haute tenue, qui enterrerait la totalité des opus du genre.

 

Pas tout à fait.

 

"Les bons artistes copient, les grands artistes volent."

 

On connaît la phrase de Picasso.

 

Inarritu fait comme s'il composait une salade. Il débauche le chef-opérateur de Malick, filme le conflit entre indiens et blancs comme Gibson, pille quelques plans de Tarkovski (scène d'intro...), nous fait penser à Boorman.

Problème :

Malick a créé son éther, il l'a élaboré ; on ne transpose pas une telle recette. Chez Inarritu, la beauté sonne National Geographic. L'écrin, sans la pépite.

Le souffle épique de Gibson appartient à Gibson. Voir Apocalypto et mourir.

L'ampleur de la charge anti-rousseauiste dans Deliverance (critique extrêmement bien pensée du mythe du "bon sauvage"), de Boorman, demande une profondeur dont Inarritu ne saurait se targuer.

Enfin, on n'imite pas le souci métaphysique de Tarkovski. 

Ce que veut dire Picasso, c'est que les grands artistes sont ceux chez qui l'on ne voit plus le squelette de l'inspiration, car tout ce qu'ils ont ingurgité ressort par leur corps. Ils ont rejoint leur source, c'est d'elle que tout jaillit librement. Ils n'ont pas recours à celle d'un autre.

 

À part la ridicule scène du combat avec le grizzli (on voit les faux raccords numériques...), tout le reste laisse pourtant croire que l'on a affaire à un grand film. La photographie, les plans tournoyants, le morceau de bravoure du combat entre trappeurs et indiens dans une neige diaphane et une forêt crépusculaire, filmée à l'aide d'un plan-séquence ultra fluide. Les acteurs, eux aussi, font le job.

 

Las, quelque chose ne prend pas.

 

Tout est réuni mais cette belle mécanique tourne à vide.

Plus que tout autre ingrédient, il manque de l'âme à ce film.

Il y a des longueurs, également. Trop. Au moins une heure superflue dans le montage final.

La musique de l'immense Ryuichi Sakamoto paraît elle aussi anecdotique et surtout sous-utilisée, au nom sûrement de la contemplation silencieuse de la nature.

Mais il ne suffit pas de filmer des aurores boréales, des chutes d'eau, des arbres féériques... La preuve.

 

Je dois aussi confesser une lassitude certaine quant à cette façon toute contemporaine de faire et de concevoir les films. Ce qui auparavant était une projection bien naturelle de producteur est désormais devenu le mètre-étalon de la chaîne de création.

Un tournage est à peine annoncé dans la presse ?

Qu'à cela ne tienne : à partir de deux ou trois éléments de scenario qui fuitent, on parle d'ores et déjà de sacre aux Oscars pour l'acteur principal. Il va prendre 15 kilos. Ou jouer en extérieur, dans les conditions du réel (wouah !). Passer deux heures matin, deux heures soir en salle de maquillage - il sera donc "méconnaissable"... Sans blague.

En fait, quand les "spécialistes" parlent de performance d'acteur, comprenez que l'on parle de tout sauf d'art dramatique. La froideur impériale du bloc d'airain incarné par Al Pacino dans The Godfather part II ? Aucun intérêt ! C'est pas une performance, on vous dit ! Il a même pas pris dix kilos ! Graver une figure tragique subissant l'inéluctabilité d'un destin familial écrasant le sien dans le sang, avec autant de génie ? Mouais, bof. 

Il faut son Oscar à Leo, qui a l'air d'y penser à chaque plan. Alors Leo en fait des tonnes dans la neige.

Lui aussi recycle, mais dans son propre répertoire. Il fronce les sourcils. Il joue l'anxiété, la peur, l'épuisement physique. C'est pas génial mais Leo n'est jamais vraiment mauvais. Alors ça passe. On connaît déjà par coeur toutes ses mimiques mais qu'importe...?

L'essentiel est ailleurs, nous dit l'air du temps.

Les faiseurs d'opinion sont de mèche avec les grands barons d'Hollywood et l'on décide des récompenses quelques mois avant la cérémonie, dans la froideur d'un bureau de production.

Honte à ces procédés indignes et dégradants pour l'Art.

 

Il est inutile d'aller voir cette oeuvre, filmiquement irréprochable (personne ne peut dire qu'il s'agit d'un mauvais film), mais tout simplement ennuyeuse et froide.

 

 

 

 

 

 

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  • Où l'auteur de ce blog vous livrera sa critique d'un film vu, à fréquence aléatoire. Les billets tâcheront de résister à la tentation très en vogue de s'extasier devant d'austères films finlandais mal cadrés. Et si le dernier Michael Bay est bon, le dira.
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