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Sentencieux avocat de la beauté
29 janvier 2016

Love & Mercy - Bio pique

Love-Mercy

 

 

 

Voilà, on y est. Premier article, billet, whatever. Je ne suis pas fan des cérémonies en tout genre ni des entrées en matières pompeuses donc entrons dans le vif du sujet.

Love & Mercy. Posons les termes d'emblée, comme ça ce sera clair : je n'aime pas les biopics. Je trouve le genre chiant, plat, et sans intérêt. C'est aussi, très souvent - et cela m'est insupportable - le prétexte foireux aux velléités d'Oscar à peine masquées de bon nombre d'acteurs. 

"Vas-y Will, donne-tout pour le Ali ! T'es black, tu vas jouer un héros semi-martyre de la cause, tu vas prendre 20 kilos de muscles et tu vas reproduire son jeu de jambes sur un ring, filmé par Michael Mann, le mec de Heat ! Il est pour toi cette Oscar, merde !" (extrait d'une conversation téléphonique entre Will Smith et son agent)

 

Franchement Will j'ai rien contre toi - au contraire. T'as bossé comme un chien, tu t'es donné énormément de mal et tout et tout. Mais moi en fait quand j'étais petit j'ai vu "When We Were Kings". Je sais pas si tu l'as vu, c'est un documentaire sur le combat entre Ali et Foreman au Zaïre. Y a tout dedans : la ferveur populaire vertigineuse et émouvante autour d'Ali, la défiance entre les deux boxeurs, la terrible maladresse de néo-colon de Foreman dans le maniement des symboles face au public africain (ah, ce fameux berger allemand à l'aéroport...), le morceau de bravoure héroïque et transcendant du combat en lui-même d'un Ali éreinté mais se dépassant, les concerts survoltés mettant en scène BB King et James Brown, les magouilles de l'inénarrable Don King, l'extravagance et le folklore très africains de l'excentrique Mobutu....

 

Bref, tu m'as compris. T'as beau t'être donné à fond, Mann a beau ne pas être un manchot, votre film n'en a pas moins la fadeur d'une pomme de terre surgelée et transgénique. Et pareil pour Ray, et pareil pour The Doors, et pareil pour...

 

c'est bon, vous avez compris.

 

 

Revenons donc à nos affaires. Je n'aime pas les biopics, c'est chose entendue. Mais voilà : à peu près que des avis positifs autour de moi, et la critique qui semblait se pâmer à l'unisson devant le quasi-premier film de Bill Polhad (il en a fait un en 92 mais personne ne l'a vu et tout le monde s'en fout).

Et puis l'une de mes règles éthiques est de ne pas préjuger de la qualité d'un film avant de l'avoir vu. Avant d'avoir vu le premier quart d'heure, disons.

 

Pour faire un biopic, il faut un angle d'accroche. Une perspective. Une problématique, comme disent les profs. La perspective du "Pollock" d'Ed Harris? Le mystère de la folie artistique. Sa face lumineuse : la formidable scène de transe créatrice, transformant une toile blanche en oeuvre baroque et habitée. Ses déclinaisons malheureuses : les affres de la solitude, du doute, de la différence... et ses corollaires indésirables : dépression, misère, addiction, idées noires, etc...

 

Ici Polhad a tout faux. Il n'a aucune perspective. Certes, il y a bien un parti pris de mise en scène : une narration partagée en deux parties. Brian Wilson jeune, Brian Wilson vieux. Respectivement Paul Dano et John Cusack.

Sorry, Bill. Ca ne fait pas un film.

T'as hésité, et ton film s'en ressent. T'aurais pu choisir d'inscrire le récit dans le tourbillon rock'n'roll de l'époque. C'est à peine évoqué, par du name-dropping un peu gauche et scolaire. T'aurais pu choisir d'explorer la piste de la schizophrénie, que tu balances vite fait mais sans trop y croire, en feignant d'y mettre de l'intensité (les migraines de Brian et l'affreux bourdonnement que tu as choisi pour lui donner une réalité sonore). T'aurais pu choisir d'exploiter l'angle de l'amour sincère et dévoué que lui porte le seul personnage bienveillant de l'histoire. En plus t'avais Elizabeth Banks. C'est la meilleure comédienne de ton film. Elle joue juste, elle y croit, elle est .

La photographie est plate, le montage mou du genou, la caméra appliquée mais sans génie. La feel-good music des Beach Boys est utilisée comme cache-misère pour masquer le fait que le film ne décolle jamais vraiment et qu'on se fout complètement de la vie de Brian Wilson passée la curiosité des dix premières minutes. Après ça on comprend la mécanique lourdaude et sans surprise du film : une ou deux scènes de Brian jeune, puis une ou deux du Brian vieux. Parfois on a une reconstitution assez bluffante de session studio (la seule vraie réussite du film). Et rebelote.

 

Le procédé lasse. Les scènes s'alternent quasiment comme une compilation destinée à l'édition "director's cut" du bonus dvd. On regarde mais on bâille. 

 

 

Ma conclusion : ne vous précipitez surtout pas sur ce film. Si vous adorez les Beach Boys, je suis sûr que vous connaissez bien mieux leur oeuvre que Bill Polhad. Si vous voulez les découvrir, allez sur Youtube et tapez "Beach Boys" dans la barre de recherche. Y a sûrement un docu de la BBC qui doit traîner. Ce sera cent fois mieux que ce film dispensable et mièvre. 

 

 

 

 

PS : message aux réalisateurs - lorsque vous décidez de vous lancer dans un biopic, veuillez dire à Pierre Bergé et à Brian Wilson de ne pas interférer dans le processus dévolu au créateur. C'est-à-dire la création. C'est sacré, c'est à vous. Pas besoin de l'aval d'un vieux con ou d'un lamentable has been.

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  • Où l'auteur de ce blog vous livrera sa critique d'un film vu, à fréquence aléatoire. Les billets tâcheront de résister à la tentation très en vogue de s'extasier devant d'austères films finlandais mal cadrés. Et si le dernier Michael Bay est bon, le dira.
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