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Sentencieux avocat de la beauté
30 janvier 2016

Macbeth. Thewlis ?

Macbeth Official US Release Trailer (2015) - Michael Fassbender War Drama HD

 

(Si quelqu'un saisit le jeu de mots du titre de l'article, il est urgent de consulter un neurologue compétent)

 

Macbeth. Quatrième adaptation cinématographique. 

 

Chez Welles ? Une adaptation poussiéreuse, ampoulée, vieillotte, chevrotante, surannée. Welles, écrasé par l'aura terrifiante du "plus grand des hommes à avoir vécu", un génie plus grand que lui. Du champ / contre-champ bateau, si loin de l'inventivité de Citizen Kane. Welles s'est fourvoyé par manque d'audace, effrayé par des siècles de tradition elizabéthaine, apeuré par l'ombre portée de l'académisme théâtral et de l'idée trop lisse qu'il s'en faisait. Ou quand la lettre, prise trop littéralement, étouffe l'esprit. 

 

Chez Kurosawa ? Une adaptation transposée au Japon médiéval. Destin, pouvoir, folie : Kurosawa n'élude aucune dimension, dans une mise en scène libérée du carcan shakespearien, inventive et quasiment lynchienne (le fantastique n'est jamais très loin... excellente idée lorsque l'on sait l'importance des spectres chez Shakespeare). 

 

Chez Polanski ? Une catastrophe, un ratage dans les grandes largeurs. Une ultra-violence qui sourd de chaque scène, des visions hallucinées confinant au grotesque, voire au grand guignol. Je ne m'acharnerai pas, Polanski venait de perdre sa femme, sauvagement assassinée par la fameuse secte de Charles Manson. Adaptation post-traumatique à oublier.

 

Et chez Kurzel, alors ?

 

Scènes de guerre épiques et glaçantes. Homère filmant l'Illiade au ralenti, comme pour mieux en graver la sombre fureur lyrique. Armées de fantassins faisant valser leurs glaives vengeurs dans une chorégraphie éblouissante. Michael Fassbender. Caméra mystique qui saisit l'aurore et la noirceur. Bande-originale lancinante et funèbre, fascinante incantation liturgique, pénétrante, construite en crescendo. Brumes évanescentes. Splendides plaines désolées d'une Ecosse comme surgie du songe d'un vieil augure romain. 

Acteurs ténébreux et solennels, pour mieux rendre grâce à la majesté du verbe le plus cristallin, prodige de profondeur, miracle d'expression. Photographie sublime. Marion Cotillard, proprement extraordinaire, juste, totale, à la délicatesse d'accent sidérante pour une Française (on l'avait vue bien plus en difficulté avec l'accent polonais dans le très décevant The Immigrant de James Gray).

Angoisse, horreur, inéluctabilité du destin, tout cela magnifié par une construction dramatique graduelle et subtile de très haute tenue. L'expression "tragédie shakespearienne", si galvaudée, n'a jamais été aussi à propos. Et pour cause. 

Que dire des décors et des costumes ? Ils sont d'une grande beauté et d'une sobriété impériale, au service de la vision du réalisateur.

Point d'orgue de cet immense opéra tragique, deux scènes époustouflantes de grandeur.

La première est le couronnement de Macbeth. Si je peux, je demanderai un jour au chef opérateur du film s'il s'est inspiré du Sacre de Napoléon par David, tant la scène semble en être la version filmée. 

La deuxième est ce final - les teintes ocre et pourpre se fondant l'une dans l'autre. Une utilisation de la lumière du soleil à faire pâlir d'envie Jeff Nichols et Terrence Malick. Macbeth, genou à terre en travelling aérien, dans un plan à la puissance d'évocation proprement frissonnante.

 

Ma conclusion : de très loin le meilleur Macbeth au cinéma. Il faut aller le voir. Moderne, esthétique, intense.

 

 

 

 

 

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Sentencieux avocat de la beauté
  • Où l'auteur de ce blog vous livrera sa critique d'un film vu, à fréquence aléatoire. Les billets tâcheront de résister à la tentation très en vogue de s'extasier devant d'austères films finlandais mal cadrés. Et si le dernier Michael Bay est bon, le dira.
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